Libertés
À Valberg, j’ai testé le VTT électrique. C’est saisissant. Bluffant. Les jambes ne forcent pas. On grimpe des pentes à pic, porté par une force invisible. Le souffle reste fluide. Le cœur, léger. Dans un sourire, la montagne devient accessible. Après avoir longé les trois lacs, nous sommes montés jusqu’à la cime du Raton.
Et là, en descente : d’abord des bêtes — chiens de protection, brebis, agneaux, béliers, chèvres, chevreaux, boucs. Puis un homme. Un berger nomade. Un herbassier. Il nous a parlé de sa liberté. De cette vie rude, essentielle pour lui. J’ai alors pensé au livre Sapiens, de Yuval Noah Harari. Nous avons évoqué cette idée : que la liberté des hommes s’est arrêtée avec la culture du blé. Que la sédentarité a engendré la propriété, le devoir, la peur de perdre – et une dette, à la fois symbolique et pécuniaire. Le berger en était convaincu. Il avait choisi de vivre au rythme des transhumances, avec un confort simple mais suffisant : un café chaud le matin, un poêle quand les températures baissent. Libre, à chaque instant. Avec ses chiens – jusqu’à huit à ses côtés – dont une, disait-il, ne voulait pas mourir. Il les dirigeait d’un bruissement des lèvres, d’un geste discret, pour rassembler le troupeau. Il a évoqué les boucs, parfois si puissants qu’ils peuvent tuer un chien. Les loups, en meute, qui guettent. Et les montagnes qu’il parcourt, connaît, habite. Un jour, la foudre l’a frappé. Il s’est effondré, terrassé quelques minutes. Puis trois jours reclus dans sa caravane, incertain d’être encore vivant. Restait en lui cette lumière venue d’ailleurs – une couleur vive, inconnue, magnifique, indescriptible, disait-il -qui l’avait traversé. On se sentait bien ensemble. Mais il a fallu se quitter, repartir, laisser ce moment suspendu. Quand on s’est éloignés, on l’a vu monter le son de sa radio, danser seul avec son bâton. Et l’image d’un sorcier m’est apparue. Entre le ciel et les cimes des sapins, sur les chemins rocailleux, les VTT maîtrisèrent la descente vers le village.