Love on the Beat (1984) – L’album d’un homme travesti, au cœur de l’exil intime.
Comme une coquille entoure le fruit, ainsi les forces impures entourent les étincelles sacrées – Zohar I, 19a
À l’homme aux chevilles de vent
À mon inconnu aux nuits blanches, entre exhibitionnisme et non-dits. À cette partie de moi, niée. En peignoir délavé, entre deux Haribos acidulés, sucrés, j’avale ta mise à nu. C’est pas elle que tu pleures. C’est nous. Ta non-famille. Tes premiers enfants. Nous n’avons ni visage public, ni voix dans l’histoire. Et nous taisons tout. Mais nous avons existé. Et nous existons encore. À la lumière que rien, ni l’oubli, ni le travestissement, ne peut éteindre. Et à l’ombre qui la porte.
Ce carnet est une klippah
La Kabbale nous enseigne que chaque chose, même obscure, même déformée, contient un fragment de lumière. Ces fragments – les nitzotzot – sont tombés lors du Bris des vases (Shevirat haKelim), emprisonnés dans les coquilles : klippot. Les klippot (pluriel de klippah) ne sont pas le mal absolu. Elles sont nos oublis, nos masques, nos rigidités, nos mensonges. Elles sont ce qui entrave – mais aussi ce qui contient. On peut s’y perdre… ou les traverser.
Ce carnet est une klippah fissurée. Il nomme l’absence, la vérité maquillée, la filiation sous silence. Il nous parle d’exil intérieur. De l’empêchement d’aimer pour de vrai, lorsque nous n’avons pas su fissurer nos klippot. Lorsque nous nous sommes ensevelis dans une histoire tronquée. Lorsque nous avons été vaincus. Mais dans chaque klippah, il y a un noyau de vérité que nous pouvons atteindre. Ce texte est un Tikkoun. Il est dédié aux enfants cachés. À ceux dont le prénom n’a pas été dit.
La lumière la plus haute ne peut être révélée qu’à travers l’obscurité la plus profonde –Tikunei haZohar, Tikoun 21
À Natacha & Paul